L'Irrémédiable décadence

Savitri Devi

Non plus géant, semblable aux Esprits, fier et libre,
Et toujours indompté, sinon victorieux;
Mais servile, rampant, rusé, lâche, envieux,
Chair glacée où plus rien ne fermente et ne vibre,
L'homme pullulera de nouveau sous les cieux.
Leconte de Liste (Qaïn; Poèmes Barbares) 

Un air impur étreint le globe dépouillé
Des bois qui l'abritaient de leur manteau sublime;
Les monts sous des pieds vils ont abaissé leur cîme;
Le sein mystérieux de la mer est souillé.
Leconte de Liste (L'Anathème; Poèmes Barbares) 

La pérennité de l'Hitlérisme en tant qu'expression de la Tradition éternelle, plus qu'humaine -- et en particulier de la forme germanique de cette Tradition -- adaptée à notre époque, ne signifie, toutefois, nullement la résurgence, dans un avenir plus ou moins proche, de la nouvelle civilisation qui était en train de prendre corps, dans le cadre du Troisième Reich. 

Comme j'ai essayé de le montrer dans une étude [1], tous les chefs religieux ou politiques (ou les deux), dont l'action s'exerce contre la décadence, contre les fausses valeurs inséparables de la puérile surestimation de «l'homme», échouent, à la longue, même quand ils paraissent réussir -- car la décadence est le sens même du Temps, contre lequel nul ne saurait, au cours d'un cycle, s'ériger victorieusement pour toujours. Malgré tout, il en est qui parviennent à mettre sur pied une civilisation se rattachant, par ses principes de base, à quelque forme particulière de la Tradition. Ils y parviennent au prix de certains compromis indispensables sur le plan exotérique -- lesquels leur assurent la ferveur permanente des foules, conséquence du succès spectaculaire. Une législation basée sur leur enseignement régit encore des Etats, sinon des continent, des siècles après leur mort. Et bien que leur œuvre s'effrite et se désagrège d'autant plus vite qu'ils sont, eux, plus tard-venus dans la succession des promoteurs de «redressements»; bien que, s'ils pouvaient «revenir», ils reconnaîtraient à peine leur création dans ce que sont devenues, au cours du Temps, les civilisations qu'ils avaient fondées, ils ont laissé quelque chose de visible; quelque chose de pitoyablement sclérosé -- parfois même, de dégénéré -- mais au moins, d'historiquement important. 

Mais il en est d'autres, dont la création contre les tendances directives de leur temps prend fin avec eux. Cela arrive quand les chefs inspirés refusent ces compromis qui, de plus en plus à mesure que les âges se suivent, sont la condition sine qua non du succès en ce monde. Mais cela arrive aussi toutes les fois que de tels chefs vivent et agissent à une époque «condamnée», c'est-à-dire à une époque où aucun redressement de quelque envergure (et de quelque durée) n'est plus possible -- et cela, quelle que puisse être la valeur et l'habileté de celui ou de ceux qui en prennent l'initiative. Seul alors Kalkî -- le dernier des avatars de Vichnou -- ou de quelque nom que les hommes qui se rattachent aux diverses expressions de la Tradition unique, se plaisent à l'appeler -- est assuré du «succès» dans un combat à contre-courant du Temps. Et ce succès sera alors total, ne consistant en rien moins qu'en ce retournement absolu des valeurs qui caractérisent la fin d'un monde et la naissance d'un monde inconnu et très longtemps impensable. Accompagné de destructions sans précédent, il signifiera la fin du présent cycle -- la fin de l'Age Sombre, dont rien de bon ne pouvait plus jaillir; la fin de cette humanité maudite, et l'apparition de conditions de vie et de moyens d'expression semblables à ceux de chaque Age d'Or. 

Les chefs qui ont mené, ou qui mèneront, quelque phase de l'éternelle lutte «contre le Temps» après le point-limite où un dernier grand redressement aurait encore été possible -- après ce que Virgil Gheorghiu nomme «la vingt-cinquième heure», -- n'ont pu et ne pourront rien laisser derrière eux dans ce monde visible et tangible, à part une poignée de disciples clandestins. Et ceux-ci n'ont et n'auront rien à attendre -- sinon la venue de Kalkî; ou du Shaoshyant des mazdéens, du Bouddha Maitreya des bouddhistes, du Christ glorieux et combattant tel que l'attendent les chrétiens lors de sa «Seconde Présence» [2]; du Mahdi des mahométans; de l'immortel Empereur des Germains, ressurgi en armes de son énigmatique Caverne, à la tête des Chevaliers justiciers [3]. Celui qui revient pour la dernière fois au cours de notre cycle, porte bien des noms. Mais il est le Même, en chacun d'eux. 

Or, on Le reconnaît à son action, c'est-à-dire à sa victoire sur toute la ligne, suivie de l'aurore éblouissante du cycle suivant: du nouveau Satya Yuga, ou Age de Vérité. 

La défaite dans ce monde d'un Chef qui a combattu contre la décadence universelle, donc contre le sens même du Temps, suffit à prouver que ce Chef, quelque grand qu'il ait été, n'était pas Lui. Il pouvait certes bien être Lui quant à son essence: le Sauveur éternel, non de «l'homme», mais de la Vie, «revient» d'innombrables fois. Mais il n'était certainement pas Lui, sous la forme ultime sous laquelle il doit réapparaître à la fin de tout cycle. Adolf Hitler n'était pas Kalkî -- bien qu'il ait été, de même, essentiellement parlant, que l'antique Rama Chandra, ou que le Krishna historique, ou que Siegfried, ou que le Prophète Mahomet, le Chef d'une vraie «guerre sainte» (c'est-à-dire d'un combat incessant contre les Forces de désintégration; contre les Forces de l'abîme). Il était, comme tout grand Combattant contre le courant du Temps, un Précurseur de Kalkî. Il était -- toujours quant à son essence -- l'Empereur de la Caverne. Avec lui, celui-ci est réapparu, intensément éveillé et en armes, comme il était réapparu déjà sous la figure de divers grands chefs allemands, en particulier de Frédéric II de Prusse, qu'Adolf Hitler vénérait tant. Mais ce n'était pas là sa dernière et définitive réapparition en ce cycle

Dans un cas comme dans l'autre, il s'était éveillé à l'écho de la détresse de son peuple. Emporté par l'enthousiasme de l'action, il s'était, avec ses fidèles barons, élancé quelques pas hors de la Caverne. Puis il était rentré dans l'ombre, les Corbeaux omniscients lui ayant dit que ce n'était, en dépit de signes impressionnants, «pas encore l'heure». Frédéric II fonda les Loges Vieilles Prussiennes, grâce auxquelles la vérité plus qu'humaine devait, après lui, continuer d'être transmise à quelques générations d'initiés. Adolf Hitler laissa son admirable Testament dans lequel il exhorte, lui aussi, les meilleurs à garder leur sang pur, à résister à l'envahissement de l'erreur et du mensonge -- de la contre-Tradition -- et à attendre

Il savait que la «vingt-cinquième heure» avait sonné -- et depuis longtemps. Il avait eu, à seize ans, comme je l'ai rappelé, la vision anticipée de son propre combat, matériellement inutile, mais malgré tout nécessaire. 

En tant qu'Allemand, en tant qu'Aryen, en tant qu'homme conscient de l'excellence de la race aryenne indépendamment du fait qu'il en était lui-même partie intégrante, il voulait ardemment vaincre le monde coalisé contre lui et contre son peuple. Il tendait de toutes ses forces, de tout son génie, vers l'édification d'une société supérieure durable, reflet visible de l'ordre cosmique; vers le Reich de ses rêves. Il y tendait contre tout espoir, contre toute raison, dans un effort démesuré pour arrêter à tout prix le nivellement, l'abêtissement, l'enlaidissement de la variété d'hommes la plus belle et la plus douée; pour prévenir et empêcher à tout jamais sa réduction à l'état de masse sans race et sans caractère. Et il luttait, avec toute l'amertume d'un artiste, contre la destruction éhontée du milieu naturel vivant et beau, en laquelle il voyait, à juste titre, un signe de plus en plus patent de la victoire imminente des Forces de désintégration. Sa confiance irrationnelle en un salut in extremis, grâce à «l'arme secrète»; son attente fébrile, sous Berlin en flammes, de l'entrée en action de «l'armée du général Wenck», qui depuis longtemps n'existait plus, rappellent, en dramatique absurdité, quoiqu'en puissent penser les chrétiens, l'attitude du Christ à Gethsémani -- priant pour que s'éloignât de ses lèvres le calice de souffrance qu'il était cependant venu boire jusqu'à la lie. 

Adolf Hitler -- et cela d'autant plus qu'il était, lui, un combattant contre le Temps, dont le royaume, s'il appartenait à l'éternel, était aussi «de ce monde» -- s'est cramponné, je le répète, en tant qu'Allemand et en tant qu'homme. En tant qu'initié, il savait que ce n'était là qu'une illusion; qu'il était «trop tard» -- déjà en 1920. Il l'avait vu, en cette nuit extraordinaire au sommet du Freienberg, en 1905. Et les vrais Chefs de «l'Ordre Noir» -- en particulier ceux de l'Ahnenerbe -- instruits comme lui de l'inévitable, conscients comme lui de la fatalité du cycle proche de sa fin -- préparaient, déjà avant 1945, la survie clandestine de l'essentiel, au-delà de l'effondrement de l'Allemagne nationale-socialiste. 

Et nous qui les suivons et le suivons, savons aussi qu'il n'y aura jamais de civilisation hitlérienne. 

Non, vous n'espérez plus nous revoir encor.
Sacrés murs que n'a pu conserver mon Hector.
Je me souviens de ces vers que Racine met dans la bouche d'Andromaque, dans la scène IV du premier acte de sa tragédie de ce nom. Et je songe que les grandioses défilés au rythme du Horst Wessel Lied, sous les plis de l'étendard rouge, blanc et noir, à croix gammée, et toute cette gloire que fut le Troisième Reich allemand, noyau d'un empire pan-aryen, sont aussi irrévocablement passés que les fastes de la prestigieuse Troie; aussi «passés» et aussi immortels, car un jour la Légende les recréera, quand la poésie épique sera de nouveau une nécessité collective. 

Celui qui revient d'âge en âge, à la fois destructeur et conservateur, fera de nouveau son apparition tout à la fin de notre cycle, afin d'ouvrir aux meilleurs l'Age d'Or du cycle suivant. Comme je l'ai rappelé au cours de ces pages, Adolf Hitler L'attendait. Il disait à Hans Grimm, en 1928: «Je sais que je ne suis pas Celui qui doit venir -- c'est-à-dire le dernier et le seul pleinement victorieux des Hommes contre le Temps, de notre cycle. «Je me charge seulement de la tâche de préparation la plus urgente (die dringlichste Vorarbeit), car nul n'est là pour s'en charger». 

Un incommensurablement plus dur que lui accomplira la tâche finale -- la tâche de redressement -- sur les débris d'une humanité qui s'est cru tout permis parce que douée d'un cerveau capable de calculs, et qui a largement mérité sa déchéance et sa perte. 

[...] 

Que reste-t-il donc à faire à ceux qui vivent maintenant, dévoués corps et âme à notre idéal de perfection visible (et invisible) sur tous les plans ? A l'échelle mondiale, ou même nationale, strictement rien. Il est trop tard. La «vingt-cinquième heure» a sonné, voilà trop longtemps. 

A l'échelle individuelle, ou au moins «restreinte», il reste à préserver, dans la mesure où cela est encore en notre pouvoir, la beauté du monde: humain, animale, végétale, inanimée; toute beauté; à veiller obstinément et efficacement auprès des minorités d'élite, prêts à les défendre à tout prix -- toutes les nobles minorités, qu'il s'agisse de celle des Aryens d'Europe, d'Asie ou d'Amérique, conscients de l'excellence de leur race commune, ou de celle des splendides grands félins menacés d'extinction, ou de celle des nobles arbres menacés de l'atroce déracinement du bulldozer, en vue de l'installation sur leur sol nourricier, de multitudes envahissantes de mammifères à deux pattes, moins beaux et moins innocents qu'eux. Il reste à veiller et à résister; et à aider toute belle minorité attaquée par les agents du chaos; à résister, même si cela ne doit retarder que de quelques décades la disparition des derniers aristocrates, hommes, animaux ou arbres. Il n'y a rien d'autre que l'on puisse faire, sinon, peut-être, maudire en son cœur, jour et nuit, l'humanité actuelle (à de très rares exceptions près), et travailler de tous ses efforts à son anéantissement. Il n'y a rien à faire sinon à se rendre responsable de la fin de ce cycle, au moins en la souhaitant sans cesse, sachant que la pensée -- et surtout la pensée dirigée -- est, elle aussi, une force, et que l'invisible régit le visible. 

Toi qui est des nôtres -- fils et père des Forts et des Beaux -- regarde autour de toi sans préjugés et sans passion, et dis ce que tu vois! D'un bout à l'autre de la Terre, les Forts reculent devant les faibles armés de malice ingénieuse; les Beaux, devant les malingres, les difformes, les laids, armés de tromperie; les sains, devant les malades armés de recettes de combat arrachées aux démons, avec qui ils ont pactisés. Les géants cèdent le pas aux nains détenteurs de puissance divine usurpée au moyen de recherches sacrilèges. Tout cela, tu le vois, plus clairement que jamais, depuis le désastre de 1945. 

Mais ne crois pas que cela date de 1945. Certes non! L'effondrement du Troisième Reich allemand et la persécution de la Religion des Forts, qui sévit depuis lors avec plus d'acharnement que jamais, ne sont que la conséquence d'une lutte désespérée, aussi vieille que la chute de l'homme et la fin de «l'Age de Vérité». Ce sont les phases récentes d'une graduelle et inexorable perte de terrain, qui dure depuis des millénaires, et n'est que plus apparente depuis notre effort infructueux en vue d'y faire obstacle. 

Considère les arbres. Parmi les Forts, ce sont eux les plus anciens. Ce sont nos frères aînés: les vieux rois de la Création. Pendant des millions d'années, ils ont seuls possédé la Terre. Et comme la Terre devait être belle, au temps où, à part quelques insectes géants, et la vie naissante au sein des océans, elle ne nourrissait qu'eux ! 

[...] 

Il est pour le moins curieux de noter que cette expansion, lente encore, peut-être, mais désormais inexorable, du mammifère à deux pattes, commence, selon l'estimation des chercheurs, «autour de quatre mille ans avant l'ère chrétienne», c'est-à-dire, selon la tradition hindoue, quelques siècles avant le début de l'Age Sombre, ou Kali Yuga, dans lequel nous vivons. Il n'y a là rien d'étonnant. Le «Kali Yuga» est, par excellence, l'âge de l'universelle et irrémédiable décadence -- ou plutôt, l'âge au cours duquel l'irrémédiable décadence, imperceptible à l'aube du cycle, puis relativement lente, s'accélère, jusqu'à devenir, à la fin, vertigineuse. C'est l'âge au cours duquel on assiste de plus en plus au renversement des valeurs éternelles dans la vie des peuples, et dans celle de la majorité croissante des individus, et à la persécution, toujours plus acharnée (et plus efficace, hélas!), des êtres qui vivent et veulent continuer à vivre selon ces valeurs: de l'élite humaine -- des élites de toutes les civilisations traditionnelles, qui, originellement, sont toujours des élites biologiques -- et du monde animal et végétal tout entier. 

C'est l'âge où, contrairement à l'ordre primitif, la quantité a, de plus en plus, préséance sur la qualité; où l'Aryen digne de ce nom recule devant les masses des races inférieures, de plus en plus nombreuses, compactes, et uniformément barbouillées d'instruction obligatoire. C'est l'âge aussi, où, d'autre part, le roi des animaux et avec lui tous les aristocrates de la jungle, reculent devant l'homme moyen (et moins que moyen) -- moins beaux qu'eux, moins forts qu'eux; décidément plus loin de l'archétype parfait de son espèce, qu'ils ne le sont, eux, de celui de la leur. 

Ce n'est pas le triomphe de l'homme au sens où nous entendons ce mot; de cet «homme-dieu» dont il est parfois question dans certains propos d'Adolf Hitler, tels que Rauschning les a rapportés. Cet homme-là est mort, le plus souvent sous l'uniforme de la SS, sur tous les champs de bataille de la Seconde Guerre mondiale, ou dans les cachots des vainqueurs de 1945, ou pendu à leurs potences. S'il survit exceptionnellement -- ou si, né après le désastre, il respire parmi nous, orné de jeunesse -- c'est dans la plus stricte clandestinité. Il vit dans un monde qui n'est pas le sien, et qui, il le sait, ne le deviendra jamais, du moins jusqu'au jour où l'Empereur endormi -- Celui-qui-revient-d'âge-en-âge -- sortira définitivement de l'ombre où il attend, et rebâtira le visible à l'image de l'éternel. Jusqu'à ce jour-là, le surhomme, ou du moins le candidat à la surhumanité, sait qu'il est et demeurera «le vaincu»: celui qui n'a de place nulle part; celui dont l'action reste inutile, si héroïque qu'elle soit. 

L'homme qui règne aujourd'hui -- le vainqueur de 1945 et, avant lui et avec lui, le vainqueur dans tous les conflits décisifs d'une importance vraiment mondiale -- c'est l'homme-insecte. Innombrable, et de plus en plus uniforme, banal, malgré toutes les contorsions qu'il peut faire, individuellement, pour se donner l'air «original», et se croire tel; irrésistible par la seule poussée de son pullulement sans limites, il prend possession de la terre aux dépens de tous les êtres qui ont relativement peu changé, alors qu'il se dégradait, lui, de plus en plus rapidement au cours de ce cycle, et particulièrement au cours de l'Age ténébreux. 

[1] Dans The Lightning and the Sun, Calcutta 1958.

[2] La «Deutéra Parousia» dont parle l'Eglise grecque orthodoxe.

[3] Ou du Roi Arthur des Celtes, revenu de l'île d'Avalon pour rétablir le royaume du Graal, entouré de ses douze chevaliers -- douze comme les douze signes du zodiaque, comme les douze dieux grecs de l'Olympe, les douze dieux Ases de l'Asgard, les douze imams de la tradition chiite, etc. (NDR). 


Ce texte est extrait du chapitre XI du livre de Savitri Devi : Souvenirs et réflexions d'une Aryenne, Calcutta 1976. 

 

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